La très étrange histoire de Jim Thompson

                                Vittorio Mangiarotti, fecit.

 

Le living-room principal dans la propriété de J. Thompson, à Bangkok

 

Architecte de formation et aisé de naissance, Jim Thompson aurait pu mener une vie banale si les japonais n’avaient pas attaqué Pearl Harbour.  Il s’engage alors comme artilleur et est assigné à la défense côtière. Peu après l’OSS le réclame pour le destiner aux missions de sabotage derrière les lignes ennemies. Jim ne demande pas mieux et il sabote comme un malade : en Nord Afrique, Italie, France et Allemagne.

 

Son palmarès de conspirateur incite l’OSS à lui faire suivre des cours de survie dans la jungle, en vue de le  larguer derrière le front pour semer des peaux de banane sous les semelles de l’armée japonaise qui occupe la Thaïlande. Il est donc envoyé dans les bases d’entrainement de l’île Catalina et du Bornéo.

Manque de chance, la fin de son stage, en août 1946, coïncide avec la reddition du Japon. Il est alors chargé de créer l’antenne de l’OSS à Bangkok et de gérer les contacts entre les rebelles Thaïs et Frée Laos.

 

Entretemps, l’OSS devient la CIA

L’entrée Soi Kasemsan 2

 et le canal navigable  qui délimite une partie de la propriété.

 

En 1948, Jim quitte officiellement l’administration mais reste ce qu’on appelle pudiquement un conseiller auprès de l’ambassade américaine. Passionné par l’Orient, il tente de convaincre son épouse américaine à le suivre. La réponse est un gigantesque bras d’honneur et une demande de divorce.  Libre malgré lui, il abandonne un projet hôtelier en gestation et lie des relations d’affaires avec des personnages influents de l’Isaan qui lui font découvrir l’art de la soie et la culture du mûrier.

 

Fin 1948, il constitue la Thaï Silk Company. Il ne détient que 84 parts sur 500, mais il en est l’inspirateur, l’organisateur et le fanion.  Son rêve est de constituer une espèce de coopérative  qui permettrait aux femmes thaïs de garder la maitrise du foyer tout en jouissant d’un revenu certain.

 

C’est la période faste de son aventure. Finalement les tissus traditionnels abandonnent leurs desseins primitifs et leur raideur de papier abrasif pour devenir une ombre multicolore qui caresse la peau et ondule sensuellement au moindre fil d’air.

 

 

Métier à tisser la soie tel qu’on en trouve, encore maintenant, dans le Nord-est de la Thaïlande

 

En 1951, les soies de Jim habillent les acteurs du music hall « The King and I ». C’est la consécration et l’argent. Il peut commencer la réalisation de la seconde partie de son rêve, bâtir sa maison et y exposer les objets artistiques qu’il a collectionnés durant sa vie d’espion.

 

C’est probablement à ce moment que le fil d’un complot mystérieux vient se mêler à ceux de sa vie et de la soie, dans le grand métier à tisser du maître de l’Univers.

 

Le label « Jim Thompson » devient un must et lui même une légende capable d’attirer à sa table exotique et raffinée des personnages comme Robert Kennedy et Somerset Maugham. Seule note négative, malgré l’insistance de ses puissants associés il refuse obstinément d’abandonner son système de coopérative au profit d’une organisation industrielle, certes moins poétique, mais bien plus rentable.

 

La solution du problème est inattendue et radicale. Thompson décide de passer les vacances de Pâques dans les Cameron Highlands, et il rejoint les amis que l’attendent au Moonlight bungalow le 24 mars 1967.  Dimanche 26,  après la fonction dans la chapelle All Souls, Jim quitte ses amis, pour une promenade et il disparaît littéralement.

 

 

Immédiatement : armée, volontaires et professionnels de la jungle malaisienne, organisent une recherche gigantesque et méticuleuse, qui dura jusqu’au 26 avril. Tout est inutile, même les meilleurs pisteurs sont incapables de trouver la moindre trace de son passage ou les indices d’un éventuel incident.

 

Curieuse coïncidence, peu après, sa sœur est assassinée en Amérique et l’enquête aboutit à un classement sans suite. L’héritage de Jim reste sans prétendants légitimes.

 

Mystères de l’Orient mystérieux !

 

Le curieux de l’affaire est que, même si encore aujourd’hui, l’énigme de sa disparition reste parfaitement impénétrable, dans un rayon de 300 km autour de Bangkok, n’importe quel taxi trouverait sa maison sans besoin qu’on lui donne l’adresse et il est fort probable qu’une lettre adressé à « Jim Thompson - Bangkok » soit livrée, sans problèmes: 6 Soi Kasemsan 2, dans la boîte du Roy de la Soie.

 

Remarquable popularité pour quelqu’un qui s’est littéralement vaporisé, en Malaisie, il y a 45 ans!

 

Votre serviteur et son épouse dans le hall d’entrée du Roy de la soie.

 

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