Le Conquistador Noir

Vittorio Mangiarotti, fecit

Curieuse histoire celle de Estéban Moustapha d’Azemmour : musulman converti, esclave, explorateur, naufrage, guérisseur, interprète et grand séducteur. Son nom demeure quasiment inconnu dans sa patrie, alors que ses gestes sont toujours célébrés dans les légendes indiennes sur les rives du Colorado.

 

Vers l’âge de dix ans, alors que sa lumineuse carrière de gardien de chèvres commence à prendre forme, il est réduit en esclavage par les portugais du Maroc. Peu de temps après, on le retrouve au Portugal : il y apprend la langue, se converti au christianisme et entend parler des sept cités d’or de Cibola. En 1520, donc vers l’âge de ses 19 ans, le noble Andrés Dorantes de Carranza l’achète, lui apprend l’espagnol et il en fait son confident. C’est avec lui que Moustapha, devenu entre-temps : Estéban, Estébanico, ou Estévan el Moro, prend le large, en 1527, avec l’expédition de Panfilo Narvaez, à destination du Nouveau Monde.

 

Le voyage se transforme rapidement en odyssée, ils font naufrage à Trinidad, les navires rescapés s’encastrent dans les bancs de sable des Canarreos, ils repartent pour la Havane et  loupent pitoyablement le port. Ils mettent alors le cap sur le Mexique et font naufrage en Floride d’ou, après quelques rudes échanges d’opinons avec les indigènes, ils repartent pour couler définitivement devant le Texas.

 

A terre, ils sont fait prisonniers, séparés et réduits en esclavage. Seulement Estéban et trois autres réussissent à se libérer et après avoir vagabondé six ans durant, ils arrivent en 1536, à la Nouvelle Espagne et à la civilisation.

Son maître le vend au Vice Roy, celui-ci le met à disposition du père franciscain Marcos da Niza qui ne tarda pas à se laisser convaincre de l’existence des mythiques sept cités d’or.

Quand en 1539, le Vice Roy  décide d’organiser une expédition à la recherche de Cibola, les connaissances d’Estéban en font un conseiller incontournable. Soldats, missionnaires et esclaves indiens partent donc, sous sa guide, le 21 avril de la même année. Effectivement le Noir s’entend très bien avec les indiens tout en taquinant infatigablement les indiennes.

Pour la première fois, il peut visiter ce monde merveilleux sans être : esclave, prisonnier ou fugitif, il y prend goût et promène l’allègre compagnie à travers l’Arizona et le Nouveau Mexique pour quelque millier de lieues. Les autres apprécient moins et en peu de temps la famine, les épidémies et l’épuisement les obligent à s’arrêter.

 

Fray Marcos charge alors Estébanico de poursuivre seul les recherches, lui donne une dernière bénédiction, lui confie quelque serviteur indien et le laisse partir vers le territoire Zuni. A partir ce moment, les historiens perdent sa trace et seulement les légendes indiennes et les ballades mexicaines  ( The ballad of Estevanico ) permettent de suivre son aventure.

 

Lui qui fut serviteur toute la vie se retrouve maître d’autres individus, il peut décider de leur sort et surtout de celle de leurs femmes. Il oublie probablement la recherche des cités d’or et vagabonde dans le désert de Sonora en échangeant ses remarquables prestations de guérisseur contre nourriture et plaisirs d’alcôve.

 

Il arrive, enfin dans le village de Hawikuh. Il commet sa première gaffe, en offrant au chef un talisman orné de plumes de hibou, que comme tout le monde le sait, est un présage de mort. Non content, il exige nourriture, femmes et turquoises en échange des guérisons qu’il opérera demain. Il ajoute le pompon en proposant à la fille du shaman de faire des cumulets, avec lui, dans la prairie.

Les Zuni le font accommoder au centre du village et en attendant la soupe lui servent quelques flèche en apéritif.

C’est ainsi qu’un noir africain acheva la première exploration de l’Ouest américain en ouvrant la voie à : De Soto, Coronado et les autres Conquistadors.

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