Mines & Company, envoyez vous en l’air au Cambodge

Vittorio Mangiarotti fecit

  

Édifié sur la ligne de démarcation entre la Thaïlande et la Cambodge, au sommet d’une des rarissimes formations rocheuses locales et à quelques kilomètre de la ville de Kantharalak,  le temple de Preah-Vihear domine une partie importante du territoire.

 

Pour les adorateurs du belliqueux mari de Mè-Khali il eut été fort difficile de choisir un lieu plus approprié pour célébrer le culte de Shiva, dieux de la guerre et de la destruction !

 

Victime de sa propre situation stratégique, le site fut convoité par les armées et les révolutionnaires du coin afin de pouvoir surveiller : mouvement des populations et trafic des pierres précieuses.

Certains se contentèrent de l’occuper, d’autres en profitèrent pour décorer le paysage avec une quantité incroyable de pièges explosifs si bien que, pour les années à venir, les mines enfouies et les sataniques mines papillon continueront à pourrir la vie de la population locale et du touriste imprudent.

 

 

Les français d’abord, l’ONU et l’Unesco en suite, y ajoutèrent leur grain de sel en assignant arbitrairement le temple au Cambodge et sa seule voie d’accès aux thaïlandais. Avec un exploit diplomatique dont la finesse reste encore inégalée de nos jours, ils parvinrent, d’un seul coup : à rendre inaccessible le lieu de culte et inutiles la grande route et l’immense parking !

 

Arrivé à cet endroit, le visiteur découvre : l’immanquable marché thaïlandais, pratiquement désert et la baraque en dur qui abrite les quelques militaires chargés de percevoir le droit de passage.

 

 

Moins d’un kilomètre après, la route se dissout dans une plaine rocheuse, brune et lisse sur laquelle la chaleur accumulée par la pierre s'adjoint à la réverbération du soleil. La température doit dépasser largement les 45°C, il faut avoir la Foi pour continuer.

Sur la droite les rochers descendent escarpés vers le plateau de Si Saket, à gauche, un promontoire parsemé d’arbustes rachitiques cache une trentaine de militaires thaïs occupés à tuer le temps. Avec un air indolent nous confient que les rapports avec les ennemis d’en face sont marqués par une saine complicité et une franche camaraderie. Leur seul souci semble être la relève rapide des garnisons que les gouvernements respectifs exigent afin que les rapports de bon voisinage ne leur interdisent pas de s’étriper comme il se doit, le moment venu.

 

Derrière leur campement une passerelle descend accrochée au flanc de la falaise et permet d’accéder à une série de bas-reliefs assez banals qui ne semblent pas mériter un tel ouvrage. Par contre, ceux qui ne soufrent pas du vertige pourront jouir d’une vue panoramique de la plaine cambodgienne, cinq cent mètres plus bas.

La jungle y est épaisse et un peu jaunâtre,  aucun village n’est visible à l’horizon et les rares cabanes paraissent abandonnées aussi, les sentiers déserts ressemblent à des inutiles cicatrices.

 

 

Après le plateau rocheux, la frontière se matérialise par un treillis métallique et un portique artisanal gardé par deux militaires cambodgiens. Un nouveau péage de 200 Bath donnera le droit aux fidèles de s’exploser la rate sur l’interminable montée qui mène aux lieux sacrés, sous un soleil de plomb.

Ici, bien que sur le sol thaï, seulement les marchands cambodgiens ont le droit de proposer une multitude de produits de contrebande. Nous y goûtons une bière : produite au Laos, vendue en Thaïlande par des contrebandiers cambodgiens, au triple du prix que nous l’aurions payé dans son pays d’origine.  La mondialisation dans toute sa splendeur!

 

Comme dans tous les Pays exotiques, la terre est couverte par les restes abandonnés par visiteurs et habitants inciviles : cannettes vides, cartons délavés, plastique et papiers multicolores.

 

A certains endroits des plaques métalliques au sol annoncent "…Danger area n°426…..Mine Field n°426-2….". Nous ne pouvons pas nous interdire de penser que les rares paysans illettrés du coin auront peu de chances de tirer profit de ces informations. Avec un humorisme un peu sinistre on pourrait affirmer que c’est le lieu idéal pour "s’envoyer en l’air" à peu de frais !

 

Vittorio Mangiarotti fecit

 

Voici ce qu'on peut lire sur les plaques

B.M.

COMPLETION DATE 20 MAY 2006

DANGER AREA N 426

HMAW 3-AHES

MINE FIELD NO.426-2

5080 mill-6m. fron START POINT)

Le marché des contrebandiers et le portail vers le temple

 

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