Les plus belles réalisations de cet artisan, et bien d’autres encore, se trouvent dans le livre "Les armuriers Liégeois à travers leurs réalisation. 1800 - 1950".

Pour tous les détails voir : LES ARMURIERS LIEGEOIS

Leverd & Counet

Il s’agit d’un fusil se démontant en deux parties, canon et crosse anglaise contenant le mécanisme de mise à feu, sans longuesse. Arme typique de braconnier, il figure dans certains catalogues anciens, sous le nom de système Leverd ou Levert.

Le canon se fixe dans le boîtier selon un système comparable à celui d’une baïonnette à douille.

Il s’agit quasi certainement d’un avatar du brevet 106283 déposé en 1893 par MM. Jean-Jacques Leverd et Counet.

Les marquages

Perron sur un des tétons : inspection depuis 1853

EL : épreuve provisoire depuis 1852

C sous étoile et R sous étoile : contremarques de contrôleurs depuis 1877

2442 est sans doute le numéro de l’arme.

AG dans un ovale : inconnu. Il y a bien eu un A. Garot-Könen, rue Félix Chaumont 84 à Herstal, inscrit au BE de 1944 à 1960 et ouvrier de recherches sur les armes à la FN en 1967, mais il n’a certainement rien à voir avec ce vistemboire.

L&C Btés dans un ovale : quasi certainement à attribuer à Jean-Jacques Leverd et Counet qui ont déposé en 1893 un brevet d’invention intitulé « modifications aux fusils à canon simple démontable.

16.7 est sans doute le diamètre du canon, soit celui d’un calibre 16. D’où sans doute le marquage C sur 16 qui apparaît également sur le canon. Comme, entre 1898 et 1924, le marquage d’un canon se présente dans un losange avec le calibre au-dessus du C, on peut dire que l’arme est (quasi certainement) antérieure à 1898. En effet, à partir de 1924, le calibre et la longueur de la chambre figurent dans un oméga couché.

On notera aussi l’absence du poinçon ELG dans un ovale.

Assurément un bien drôle d’engin dont l’identification aurait sans doute pris "un certain temps" si la copie du catalogue n° 53 de 1912 de la maison J.B. Rongé Fils n’était pas tombée entre nos mains. En page 46 y figure en effet ce drôle de vistemboire attribué à Jean-Jacques Leverd, qui existait en plusieurs versions, ne serait-ce déjà que pour la crosse : crosse pistolet ou anglaise, avec ou sans joue. Tous les calibres étaient disponibles, du 12 au 12 mm en passant par le 16, 20, 24, 28, 32 et 14 mm. Cet exemplaire est en deux pièces, mais il existait également des versions en trois pièces (avec canon brisé) et en quatre pièces, avec canon et crosse brisés.

Le système est directement dérivé de celui d’une baïonnette à douille. Le canon, muni de deux tétons de grandeur différente, s’encastre dans la culasse et se bloque après un petit mouvement rotatif. Le canon se libère après avoir appuyé avec le pouce droit sur le bec d’un ressort d’un peu plus d’un demi-cercle qui bloque le petit téton inférieur. L’opération est très rapide et doit se faire après le tir de chaque cartouche.

Inutile de dire que ce type d’arme a certainement dû se retrouver plus souvent entre les mains d’un braconnier que d’un honnête chasseur. Le catalogue Rongé ne mentionne hélas pas les prix, mais il ne fait pas de doute qu’il ne devait pas être très élevé, en tout cas à la fabrication.

On ne sait en tout cas pas grand-chose de ce Jean-Jacques Leverd : le "Qui est qui de l’armurerie liégeoise" nous apprend que c’était un fabricant d’armes à Cheratte entre 1893 et 1902. Il a déposé deux brevets : l’un concernant des modifications aux fusils à canon simple, démontable (avec Counet) en 1893 et l’autre, en 1902, portant sur une modification aux carabines Flobert.

Dans un premier temps, comme le dessin du brevet 106283 de 1893 montrait une clé latérale, nous avons pensé qu’il s’agissait d’une variante du système Leclercq pour fusils pliants bien connu dans la production armurière liégeoise. Mais un autre membre de l’équipe (grand merci à lui) a bien remarqué que le brevet portait en fait sur un canon qui se glisse dans un boîtier et est libéré en appuyant sur la clé latérale. Il y a peut-être eu un autre brevet concernant le système de ce fusil-ci, à savoir le maintien par deux tétons et une espèce de (demi)-virole (en fait un ressort) comme sur les baïonnettes à douille, mais il ne nous est – actuellement - pas connu. Néanmoins, on peut dire que ce fusil est à mettre en rapport avec Leverd et Counet, ne serait-ce aussi que par la présence du marquage « L&C Breveté » dans un ovale.

Le catalogue Alpha de 1911 présente aussi ce fusil en bas de page 298. Notons l'autre orthographe (Levert au lieu de Leverd), mais on avait à l’époque une autre notion de l’orthographe des noms propres. Il s'agit d'une crosse pistolet à joue, et tous les calibres sont disponibles, du 12 au 410, pour un prix variant entre 31 et 42,50 marks.

A cela s’ajoute aussi que d'autres armuriers n'ont pas hésité à mettre ce fusil pour le moins particulier dans leur catalogue. Ainsi, à la page 40 d'un catalogue de Joseph Saive (évidemment non daté), on retrouve l'engin type 82, cette fois qualifié de FUSIL SUISSE marque "Champion" (voir aussi la notice sur un fusil Leverd identique du site littlegun.be, hormis en matière de marquages). A noter qu'il n'existe, dans le catalogue de J. Saive, que dans la version la plus simple de crosse anglaise et sans joue, et dans un seul calibre, le 16, comme le fusil évoqué sur le site.

Pour être tout à fait complet, et comme on dit "dans l’état actuel de nos connaissances", un troisième exemplaire connu de cet fusil est exposé dans une salle historique du Fort II de Wijnegem près d’Anvers (en tant qu’arme ayant servi à un résistant…), mais dans un état qui ne permet pas l’examen des marquages.

GP

Retour "Collection privée "