Historique du Larrañaga

 

J’ai eu du mal à retrouver la photo de mon oncle. Il est né en 1913. Il apparaît ici à la fin de 1936, quelque temps avant de prendre le départ pour l’exil en Argentine, où il résida jusqu’à l’amnistie du 1er avril 1969 de Franco, pour tous les délits commis avant le 1er avril 1939, c’est à dire avant la fin de la guerre civile. Il ne revint en Espagne qu’après la mort du dictateur, en 1975.

Il a été l’un des premiers membres actifs du Parti Communiste Español dans notre région, en 1931. En 1934, a lieu la "Révolution" d’Octobre, menée par les mineurs des Asturies et les travailleurs de Cataluña, à Barcelona.

Comme je te l’ai expliqué lors de ta visite, pendant les journées d’octobre 1934, ils se sont consacrés à incendier les bâtiments historiques du centre de Oviedo, tu sais bien, ceux qui avaient ces parties de bois sous les toitures, en plusieurs hauteurs; l’Université, fondée en 1608, les maisons des familles riches, la Cathédrale, et à faire le coup de feu contre l’armée de la République (la 1ere). Mon oncle en était, et l’arme a servi....

Après l’échec du soulèvement, des représailles furent menées par l’armée, mais très vite ils abandonnèrent car les politiciens ne voulaient pas faire un carnage sur le peuple.

Mon oncle s’en tira bien.

Après cette "révolution" manquée, les autorités essayèrent de récupérer les armes disséminées par toute la géographie. Dans chaque maison, il y avait au moins une arme, parfois plusieurs pour chaque homme qui y habitait.

Je peux raconter un épisode réel. Un jour la Guardia Civil et la Guardia de Asalto (ancêtre de la Police actuelle) se présentent au village et annoncent que ceux qui voudraient se défaire de leurs armes, pourraient le faire en les déposant dans un WC public qui existait à l’extérieur du village. La porte fut condamnée et une petite lucarne ouverte à la partie arrière, pour jeter à l’intérieur les pistolets et revolvers.

Le lendemain matin, furent relevées près de 200 armes courtes dans ce cabinet. Mais il en restait au moins autant dans le village, sans compter les armes longues...... Pas fous les paysans.

Il continue de militer et se déplace jusqu’au Pays Basque, pour affilier de nouveaux membres parmi les travailleurs de l’acier. Poursuivi par la Guardia Civil, il se réfugie comme il peut, et il revient au village vers le début de 1936. La Guerre Civile se prépare et éclate en juillet 1936. Il fait un peu le coup de feu aux frontières de la province et se rend compte très vite que c’est une cause perdue. Les Asturies tomberont en 1937.

Fin 1936-début  1937, par crainte des représailles sur les meneurs politiques, il embarque sur un vapeur pour Buenos Aires, où il vivra mal jusqu’à son retour. Son jeune frère, mon père, sera pris et enrôlé de force dans les troupes franquistes. Il lui a toujours reproché d’avoir fait la guerre "chez ceux d’en face". Très typique des familles de l’époque. La division idéologique de la société arrivait jusqu’au sein des familles, riches ou pauvres.

Pour ce qui est du revolver, avant de partir, il le cache à l’intérieur du mur du grenier de la maison paternelle, enveloppé dans des papiers huilés et calé dans son étui, le tout enduit de graisse animale, dans une boite en tôle, et muré entre 2 pierres du mur.

A son retour d’Argentine, la première chose qu’il fait, c’est déballer le revolver, le nettoyer et vérifier qu’il fonctionne. L’arme sera à nouveau cachée, cette fois dans un cylindre de carton fort dans lequel se vendait le détergent en poudre pour laver le linge à l’époque.

L’arme avait parait-il un bel étui en cuir fauve, avec les initiales du PCE et une étoile à 5 pointes, dans le style commissaire politique, bouterollées sur la partie extérieure qui servait à le fermer. Sa mère brûla cet étui dans le poêle à charbon pour ne pas être mêlés à ses histoires politiques.

Quand il récupère à nouveau l’arme, le Parti Socialiste est au pouvoir, en 1981, et il abandonne sa militance au PCE, non sans nostalgie.

L’arme reste chez lui, au fond d’un tiroir, sous clef. Il épuise aussi les dernières cartouches en faisant des pratiques de tir.

Il me donne l’arme presque à la fin de sa vie, quand il apprend que je m’intéresse au monde des armes. La pièce aurait mal fini, sinon, ou saisie. Il est finalement décédé en 2010, à l’age de 97 ans.

Un collectionneur espagnol

 

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